La Libre Belgique
13-3-1980
Au Théâtre 140
Le Grand Magic Circus
La folie douce n'est plus ce qu'elle était
Le fantaisie n'est plus ce qu'elle était. La folie douce non plus. Le Grand Magic Circus, qui nous amusait naguère, est revenu au 140, mais le charme n'y est plus. Sur le ton cruel et drôle qui fut celui de « Hara-Kiri », il illustre, dans un climat de fête foraine, quatre « mélodies du malheur » : les amours contrariées de sœurs siamoises, le duo mélancolique d'une vraie trapéziste et d'un faux dompteur, la brève carrière d'un cadre supérieur au chômage (« Vingt-huit ans, mon ami? Il est temps de faire place aux jeunes »), la mort lente d'une stripteaseuse de Pigalle un soir-de Noël. Mais le ton corrosif tourné en eau de vaisselle, la musique allègre et les claquements de fouet ne font plus illusion, les calembours douteux et les plaisanteries vulgaires pas davantage (on ne nous épargné ni Manneken Pis, ni les pots de chambre). On a un peu l'impression d'anciens combattants qui racontent toujours la même guerre.
Un coup de vieux, en somme, Ce qui avait fait choc, un moment, n'est plus que l'humour bon enfant pour public itou (salle comble, soit dit en passant).
Le Grand Magic Circus vit sur ses succès passés mais n'étonne plus. On le voudrait plus impertinent et même — pourquoi pas? insolent. Il est « bête et méchant ». Le comique de l'absurde et de la dérision n'a de sens que s'il est excessif, « hénaurme », « fou-fou-fou », comme seuls peuvent l'être les Anglo-Saxons.
Les Français, on ne le sait que trop, ne sont pas doués pour le « non-sense ». Tous les cinq ans, ils nous présentent de nouveaux gentils petits Bran-quignols qui lassent vite, mais il n'y aura jamais de Marx Brothers parisiens. Tant pis ou tant mieux. Le génie français est ailleurs.
Jacques HISLAIRE.
Auteur Jacques Hislaire
Publication La Libre Belgique
Performance(s) Les Mélodies du malheur
Date(s) du 1980-03-11 au 1980-03-13
Artiste(s)
Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes